Quatre ans après le début du mouvement de libération de la parole des femmes, la vague atteint le milieu du spectacle en France. Une colère qui n’est pas «une comédie française» disent ses représentantes qui font peu cas, malgré tout, de la présomption d’innocence.
Devant le ministère de la Culture, samedi 16 octobre, quelque 300 personnes étaient rassemblées, pancartes à la main, afin de dénoncer les violences sexuelles dans le milieu du théâtre. Sur une scène de fortune aménagée à l’arrière d’un camion rouge, les témoignages se sont succédé. Parmi eux, celui de Marie Coquille-Chambel, à l’origine du #MeTooThéâtre lancé sur Twitter. Dans son message, publié jeudi 7 octobre, l’influenceuse, qui tient une chaîne Youtube dédiée à l’art dramatique, affirmait avoir «été violée par un comédien de la Comédie-Française pendant le premier confinement» tandis qu’elle faisait un malaise.
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«On ne s’attendait pas à avoir autant de soutien si vite, ce qui montre qu’on a évolué depuis 2017 et le premier MeToo. On commence à en avoir marre. On va y arriver, on va lutter», promet la jeune femme dans les colonnes du Parisien . Cofondatrice et membre du collectif #MeTooThéâtre, elle fait partie des 1450 signataires – parmi lesquels Rokhaya Diallo, David Bobée, Alice Coffin, Sandrine Rousseau, Caroline de Haas mais aussi Adèle Haenel, Julie Gayet, et des comédiennes du Français comme Marina Hands – d’une tribune publiée dans Libération appelant les pouvoir publics à agir contre «un système de cooptation et d’entraide masculine», clef de voûte de l’état de soumission dans lequel seraient maintenues les comédiennes.
Convergence des luttes
Le texte, rédigé en écriture inclusive, préconise entre autres «le lancement d’une enquête quantitative menée au niveau national et aux résultats rendus publics sur les faits de violences sexuelles et sexistes au sein de la profession», la mise en place de «journées interprofessionnelles de réflexion et d’échanges autour de ces sujets en mixité et non-mixité choisie», mais aussi l’application d’une parité stricte «au sein des postes de direction des théâtres nationaux, des centres dramatiques nationaux et des scènes nationales ainsi que des établissements d’enseignements artistiques».
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Poussant la logique plus loin, les auteurs appellent à privilégier «les nominations de femmes aux postes de direction des CDN et tous les établissements subventionnés», ajoutant qu’il serait de bon ton de «porter une plus grande attention aux parcours de femmes racisées, doublement discriminées dans leur parcours professionnel». «À l’idée du mérite, préférer et favoriser la déconstruction systémique en appliquant l’éga-conditionnalité des moyens de production et des subventions entre les porteurs et porteuses de projets», poursuivent-ils, dans un sabir inaccessible au commun des méninges.
Propositions nécessaires et légitime ou dérive communautaire ? Les deux mon caporal.e ! Reine Prat, ancienne inspectrice générale du ministère de la Culture, pousse, elle aussi, dans ce sens «déconstructiviste et inclusif» des signataires, appelant à ne «nommer que des femmes aux postes de direction jusqu’à arriver à la parité», dans un entretien accordé à 20 Minutes . «C’est le système qu’il faut changer : établir la parité entre femmes et hommes, assurer une présence réelle, partout, des personnes racisées, comme des personnes stigmatisées comme “hors normes”», poursuit-elle, citant au passage la directrice du Conservatoire national de musique et de danse de Paris (CNSMDP) Émilie Delorme, comme exemple d’engagement «en faveur de l’égalité et contre les discriminations». Cette dernière s’est surtout sévèrement pris les pieds dans le tapis en tentant de faire éclore le MeToo de la musique classique au sein de son institution.
Rendez-vous très politique
À l’arrière du camion, Marie Coquille-Chambel harangue la foule. «Ce n’est pas à nous d’avoir honte», lance-t-elle. Mouvement de joie, un peu plus tard, lorsque le report du spectacle de Michel Didym, metteur en scène mis en cause dans une enquête de Libération et objet d’une plainte pour viol, est annoncé au micro. Son accusatrice est également sur scène, le visage dissimulé. Si celle-ci affirme que «personne ne veut être victime», elle pose une question pour le moins tendancieuse : «À quand la présomption de vérité pour les victimes ?» À en juger par l’absence de contradiction opposée à ces justicières autoproclamées, il semble qu’elle soit déjà proclamée.
Également présente à la manifestation, l’actrice et ancienne militante Femen Solveig Halloin, qui accusait le comédien et metteur en scène Philippe Caubère de viol. Bien que la plainte ait été classée sans suite et que la jeune femme ait été condamnée pour diffamation, celle-ci se tient devant le camion, le torse nu et le visage badigeonnés de faux sang, une pancarte accusant l’homme de théâtre. Son happening va jusqu’à gêner ses propres «sœurs d’armes». Elle est invitée à se mettre de côté.
Malgré le petit nombre de manifestantes, des personnalités politiques telles que les élues de Paris Danielle Simonnet (France insoumise) et Alice Coffin, le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot ou encore l’adjointe socialiste à la maire Audrey Pulvar, ont fait le déplacement. Elles sont venues soutenir en toute bonne foi ce mouvement – nier les violences sexuelles et morales que subissent les comédiens et comédiennes serait un non-sens. Mais la posture idéologique de certaines d’entre elles pose question. Interrogée par Natacha Polony sur BFMTV le 14 septembre, Alice Coffin, fervent soutien de #MeTooTheatre et toujours prompt à conspuer la gent masculine, a refusé de se positionner au cas où un non-lieu serait prononcé à l’égard du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, poursuivi pour viol.
Rappelons que le pensionnaire de la Comédie-Française mis en cause par Marie Coquille-Chambel, bien qu’il ait été condamné pour les menaces de mort, a été relaxé pour les faits de «violences aggravées». Quant aux poursuites pour d’autres violences, celles-ci ont été annulées pour «imprécision des faits». Les accusations de viol sont, elles, survenues plusieurs mois après l’ouverture de la première enquête, confie une source proche du dossier. Alors que le comédien avait déposé lui-même une main courante contre la jeune femme pour «harcèlement», en mai 2020, soit un mois avant les premières procédures engagées contre lui.
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Cette mobilisation a pour l’heure fait réagir deux théâtres : à Lyon, les Célestins ont décidé de reporter un spectacle de Michel Didym, et le Théâtre 14 à Paris s’est engagé à mettre en place des «outils» pour «protéger, écouter et accompagner». L’élue écologiste au Conseil de Paris, Alice Coffin, appelle, avec son manque de nuance habituel, à cesser de financer «des structures qui ne proposent pas de plan de lutte» contre les violences sexuelles au théâtre.
